Loi d’accélération des énergies renouvelables : les élu-e-s locaux-ales deviennent co-responsables de la transition énergétique dans les territoires

Alors que la France accumule un retard considérable dans le déploiement des énergies renouvelables dans un contexte de tensions sur la sécurité d’approvisionnement électrique, la loi d’accélération des énergies renouvelables a été définitivement adoptée le 7 février dernier. À l’issue du débat parlementaire, cette loi fait des élu-e-s locaux-ales, en particulier les maires, la clé de voûte de la planification énergétique territoriale.

Retard dans le déploiement des énergies renouvelables : un mal français

Contrairement à une idée reçue, le mix énergétique français reste très largement carboné et dépend encore à plus de 60 % des énergies fossiles (pétrole et gaz naturel).

Le parc nucléaire permet, certes, de produire une part importante de notre électricité de façon décarbonée (environ 65 % de l’électricité). Cependant, l’électricité ne représente qu’un quart de l’énergie consommée en France.

La France s’est engagée, via l’Accord de Paris et en lien avec les alertes scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), à limiter le réchauffement à 1,5 °C et à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Pour respecter cet objectif, la politique énergétique doit s’appuyer sur trois leviers : la sobriété, l’efficacité et la production d’énergie bas carbone.

Selon Réseau de transport d’électricité (RTE) et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), la décarbonation de nos modes de production et de consommation à l’horizon 2030 et la neutralité carbone à l’horizon 2050 doivent se traduire par l’électrification des usages, et donc le développement massif de moyens de production d’électricité décarbonée.

Pour ce faire, et malgré des retards déjà considérables, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit des objectifs ambitieux :

> 20 GW d’éolien terrestre aujourd’hui installés (objectif : 34,7 GW d’ici 2028) ;

> 15 GW de photovoltaïque aujourd’hui installés (objectif : 44 GW d’ici 2028) ;

> 480 MW d’éolien en mer aujourd’hui installés (objectif : 6,2 GW d’ici 2028).

Le défi de l’acceptabilité locale

Cette transition énergétique ne s’opère pas sans difficulté dans les territoires comme l’illustrent les oppositions locales à certains projets. En effet, les énergies renouvelables, comme le nucléaire quelques décennies plus tôt, sont passées d’un objet technique à un objet politique. Cette bascule s’est opérée de façon manifeste pour l’éolien terrestre il y a quelques années, et s’observe désormais sur le photovoltaïque ou encore la méthanisation. Même la rénovation thermique du bâti commence à être questionnée. Si ces oppositions masquent souvent une méconnaissance technique, voire parfois un climatoscepticisme, elles doivent être considérées.

Pour relever le défi de l’acceptabilité, la concertation et le dialogue territorial sont essentiels. En associant les élus et les riverains, en faisant preuve de transparence et de pédagogie, en déconstruisant les arguments erronés et en répondant à des inquiétudes parfois légitimes, les porteurs de projet et professionnels des énergies renouvelables ont un rôle majeur à jouer et un devoir d’exemplarité.

Les outils pour maximiser les retombées territoriales

Il s’agit de partager la valeur produite sur et avec le territoire. Cela passe par une fiscalité conséquente pour les collectivités territoriales – notamment l’Imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (IFER) – et des mesures d’accompagnement des porteurs de projet pour accompagner les collectivités dans leur transition (aides à la rénovation énergétique du bâti communal, à la transformation de l’éclairage public, à l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques …). La loi vient d’ailleurs donner un cadre à ces dernières.

Cela peut aussi se traduire par des contrats de gré à gré de vente d’électricité verte aux collectivités, plus connus sous leur nom anglais de Power purchase agreement (PPA) pour faire face à l’augmentation du coût de l’énergie, à des projets en autoconsommation collective ou encore à des logiques de financement et d’investissement participatif ou de gouvernance partagée des projets.

Les maires au cœur d’un nouveau système de planification ascendante

La loi d’accélération des énergies renouvelables prévoit que les communes définissent, en s’appuyant sur l’expertise technique d’un référent préfectoral, des zones d’accélération sur lesquelles le développement des énergies renouvelables est possible. Ces zones devront être suffisamment nombreuses pour répondre aux objectifs de la PPE et de sa déclinaison régionale. Une nouvelle instance, le Comité régional de l’énergie sera chargé de veiller à cette cohérence entre les zones identifiées par les élu-e-s locaux-ales et les objectifs régionaux de production. Ces zones devront trouver une déclinaison réglementaire, en particulier dans les documents d’urbanisme : PLUi et SCoT. Les maires pourront délimiter, sur leur territoire, via les documents d’urbanisme des zones d’exclusion, à la condition d’avoir, au préalable, défini des zones d’accélération. Des décrets devraient prochainement venir préciser les modalités pratiques de cette planification territoriale des énergies renouvelables.

Clément Cunin, spécialiste de la transition énergétique et formateur Drapeau Blanc Formation